Journées d’étude “Migrations : nouvelles pratiques, approches plurielles”

Au cœur de multiples débats, considérées parfois comme un problème majeur des sociétés européennes, les expériences migratoires – prendre la route, quitter sa région d’origine et ses proches, découvrir les manières d’être des sociétés rencontrées, s’établir dans un nouveau monde, soutenir des relations avec le pays d’origine – prennent aujourd’hui des formes nouvelles, tant au niveau des pratiques elles-mêmes que des représentations qui en sont produites et diffusées. Classiquement analysées pour leur impact sur les sites de départ ou d’accueil, les migrations sont envisagées ici du double point de vue de ces expériences migratoires elles-mêmes (incertitudes du parcours, épreuves de l’altérité, imaginaires dégrisés, retours différés, etc.) et de celui de leur accueil et de leurs narrations. L’attention est donc portée non pas sur les sociétés d’origine ou de destination, mais sur les migrants et les espaces qu’ils traversent ou créent au fil de leur parcours. Il s’agit de restituer à l’expérience migratoire son développement incertain, ses interactions avec les situations traversées, ses moments décisifs, ses effets sur les représentations du monde. Ces journées d’étude proposent de donner la parole aux doctorants et jeunes chercheurs autour de quelques thèmes qui devraient permettre à la fois de rendre visibles ces expériences limites, ces pratiques, innovantes ou passées inaperçues jusqu’ici, et de s’interroger sur les exigences nouvelles qu’elles adressent aux sciences sociales, en accordant une attention spécifique aux approches susceptibles d’en restituer la complexité.

Dangers d’un parcours, risques en partage, expériences limites

Certains moyens mis en œuvre aujourd’hui pour atteindre l’Europe comportent des risques qui témoignent de la détresse des situations à l’origine des départs. Les épreuves traversées par les migrants tout au long du parcours les menant vers un autre espace comportent également cette dimension de danger. Par ailleurs, le départ peut être envisagé comme une expérience tout aussi lourde de conséquence pour ceux qui restent. Enfin, les modes d’organisation inventés ou subis pour survivre et réussir en situation de migration révèlent certaines expériences du lien social intéressantes à analyser.

Phénomènes invisibles, récits improbables

Les migrations sont omniprésentes dans les discours publics. Pourtant, sans doute plus que tout autre phénomène, elles se caractérisent par la difficulté à les décrire, à les représenter. La géographie peut-elle se saisir de ces phénomènes en dépit de la complexité à cartographier les flux migratoires ? Les sciences sociales peuvent-elles comprendre les expériences vécues par les migrants malgré les difficultés à les représenter et les recueillir ? Les discours liés aux migrations diffusent davantage des récits de délinquants ou de bénéficiaires des systèmes de sécurité sociale que d’entrepreneurs ou de créateurs. Les récits des migrants restent trop souvent des histoires cachées, invisibles, non relatées, comme celles des vaincus de l’histoire. En cela, ils constituent un défi pour les sciences sociales qui tentent de les mettre à jour.

Multiterritorialités, circulations migratoires, double exil et double présence

Qu’ils soient considérés comme des clandestins, des sans-papiers, des déplacés, des réfugiés, des migrants ou des enfants d’immigrés, leur expérience ne peut s’évaluer au seul prisme du pays d’origine ou de résidence. En quoi les situations qui ont déterminé le départ continuent-elles d’influer sur les expériences migratoires elles-mêmes ? Les questions du retour – le sien, celui de la famille, des enfants – et surtout les liens entretenus avec le village, la région, le pays d’origine, sont à la fois déterminantes et évolutives. Innovantes à plus d’un titre, les approches classiques en termes de diaspora, de transnationalisme ou de circulation migratoire suffisent-elles aujourd’hui pour décrire les pratiques émergentes ?

Altérité chez soi, altérité en soi

La migration ne peut être envisagée du seul point de vue des populations migrantes, qui sont également « tributaires » de l’accueil dans les sociétés de destination. L’expérience de l’altérité chez soi constitue donc un marqueur important pour les populations et les sociétés. Les dernières années ont vu se développer de nouvelles attitudes et pratiques institutionnelles et politiques à l’égard des étrangers, des migrants, de leur descendance. De même, les discours et les politiques publiques ont un effet certain sur les pratiques sociales, ou encore sur la déculpabilisation des discours au sujet des dangers que représente l’immigration.

Migrations en héritage, mémoires de migrants

Que font les ancien(ne)s migrant(e)s de leur expérience ? Quel rôle joue leur vécu migratoire pour leurs proches ? Dans quelle mesure la migration appartient-elle à cette « deuxième génération » non migrante, mais pourtant désignée sous le signe de cette « différence » ? Ces interrogations témoignent de l’importance de la mémoire des migrants pour leur descendance. L’expérience migratoire, événement biographique marquant, constitue un héritage majeur pour les générations suivantes, même si elle n’est toujours transmise explicitement. L’héritage de la migration et ses modes d’appropriation représentent donc un angle d’analyse fondamental pour comprendre les migrations et leurs impacts à long terme.

Programme des journées d’étude